- AgnĂšs Gillardin
- 26 mai
- 5 min de lecture

La phobie scolaire touche de plus en plus dâenfants et dâadolescents. DerriĂšre ce terme se cache une rĂ©alitĂ© complexe : refus anxieux dâaller Ă lâĂ©cole, somatisations, crises, isolement⊠Un cauchemar pour les jeunes, mais aussi pour leurs parents, souvent impuissants.
đ Et si, malgrĂ© toute leur bonne volontĂ©, certaines tentatives des parents ou des professionnels aggravaient involontairement le problĂšme ?
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đ Le piĂšge de la bonne intention
La phobie scolaire sâinstalle souvent Ă cause des meilleures intentions du monde. Le parent rassure, console, cajole. Lâenfant, soulagĂ©, Ă©vite lâĂ©cole⊠et lâĂ©vitement devient la seule stratĂ©gie disponible.
LâĂ©cole = danger â Ne pas y aller = soulagement â Le cerveau en conclut : "Super, jâai trouvĂ© la solution !"
RĂ©sultat : lâenfant nâapprend pas Ă affronter la peur, il apprend Ă lâesquiver. Et les parents sâusent Ă chercher "la bonne mĂ©thode"⊠qui souvent alimente le problĂšme.
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đ§©Â Quand parle-t-on de phobie scolaire ? Exemples :
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âĄïžLe mal de ventre du lundi matin : Depuis quelques temps tous les dimanches soirs, Lucien 9 ans commence Ă se plaindre dâun mal de ventre. Le lundi matin, il pleure, refuse de sâhabiller, se plaint dâĂȘtre malade. Ses parents lâamĂšnent chez le mĂ©decin, mais tout semble "normal". Finalement, ils le gardent Ă la maison.
Ce qui sâest installĂ© :
·  Lucien associe école = douleur = éviter = soulagement.
·  Les parents, en voulant le ménager, valident sans le vouloir le lien entre école et danger.
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On peut lui dire :
"Tu tâassois 5 minutes sur le canapĂ© tous les matins avec ton coussin anti-mal de ventre. Puis tu tâhabilles, que ça fasse encore mal ou non."
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âĄïžLa peur du regard des autres : Marie est en 4e. Elle a toujours Ă©tĂ© bonne Ă©lĂšve, mais depuis quelques mois, elle a peur dâaller en classe, de lire Ă voix haute, dâĂȘtre interrogĂ©e. Elle pleure le matin, fait des crises dâangoisse, dit quâelle va "sâĂ©vanouir" et qu'elle a envie de vomir. Pensant Ă une gastro, les parents ont cru bien faire on l'a gardant Ă la maison pendant deux jours. Elle a fini par ne plus aller au collĂšge du tout.
Ce qui sâest installĂ© :
·  LâĂ©vitement de lâĂ©cole devient la seule maniĂšre de gĂ©rer la peur du jugement.
·  Le soutien parental est vécu comme une pression déguisée.
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On peut lui dire :
"Tu vas faire une liste de toutes les choses gĂȘnantes qui pourraient tâarriver en classe. On choisira la pire et on la jouera Ă la maison."
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âĄïžLâadolescente en retrait total : Yanis 15 ans, ne va plus au lycĂ©e depuis 4 mois. Il reste dans sa chambre, dort le jour, vit la nuit. Il dit quâil ne supporte plus les gens, ni la pression des devoirs. Ses parents ont tout essayĂ© : mĂ©diateurs, psys, amĂ©nagements... rien ne change. Il refuse tout.
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Ce qui sâest installĂ© :
 ·  Plus Yanis évite, plus son anxiété baisse⊠à court terme.
·   Plus on essaie de le forcer ou de lâaider, plus il se referme.
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On peut lui dire :
"Tu as le droit de ne pas retourner au lycĂ©e pour le moment. Mais tu choisis une heure chaque jour oĂč tu sors de ta chambre, mĂȘme 5 minutes, et tu lâĂ©cris dans un carnet."
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đ Bonne nouvelle : ce nâest pas une fatalitĂ©
La phobie scolaire nâest pas un monstre indestructible.
Sortir de la phobie scolaire, ce nâest pas juste "revenir Ă lâĂ©cole". Câest changer la dynamique relationnelle autour de la peur.
Câest un systĂšme qui tourne en boucle. Une fois quâon arrĂȘte dâajouter de lâessence, il ralentit, et souvent, il sâĂ©teint.
đšâđ©âđ§âđŠ CĂŽtĂ© parents : que faire ?
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1. ArrĂȘter de vouloir convaincre : « Tu nâas aucune raison dâavoir peur » = tu ne devrais pas ressentir ce que tu ressens.
Lâenfant se sent incompris et encore plus seul.
Alternative : "OK, tu as peur. Et si on trouvait une maniĂšre de vivre avec la peur, sans quâelle dĂ©cide de tout ?"
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2. Identifier les tentatives de solution qui échouent
Souvent, les parents : rassurent, négocient, cÚdent, culpabilisent...
Ces stratégies soulagent à court terme, mais renforcent le problÚme à long terme.
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3. Donner de la structure, pas du contrĂŽle
Rendre la peur prévisible et encadrée.
Ex : "Tu peux avoir peur demain, tu lâĂ©cris sur un papier. Mais on se lĂšve Ă la mĂȘme heure et tu tâhabilles quand mĂȘme."
On ne nie pas lâĂ©motion, mais on empĂȘche lâĂ©vitement total.
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4. Rendre lâenfant acteur
"Câest toi qui dĂ©cides de ton plan de survie pour les matins difficiles." "Ă quelle peur veux-tu tâattaquer en premier ?"
Lâenfant reprend du pouvoir, et sort du rĂŽle de victime passive.
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đ«Â CĂŽtĂ© Ă©cole : que faire ?
LâĂ©cole peut (et doit) ĂȘtre un partenaire essentiel. Mais souvent, les tentatives bienveillantes crĂ©ent elles aussi du blocage.
1. Ăviter de suradapter
Avec une bonne intention, lâĂ©cole et les parents font souvent en sorte de crĂ©er un emploi du temps ultra amĂ©nagĂ©, effacer les Ă©valuations, laisser lâĂ©lĂšve rester Ă la maison trop longtempsâŠ
đĄÂ Ces mesures sont utiles Ă court terme, mais risquent dâentretenir la peur.
âïžÂ Proposer un retour progressif mais structurĂ©, avec des objectifs rĂ©alistes mais clairs.
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2. Nommer un adulte référent, stable
LâĂ©lĂšve doit savoir Ă qui parler sans devoir tout rĂ©pĂ©ter 10 fois.
Une relation de confiance, sans pression. Le rĂŽle de cet adulte nâest pas de convaincre, mais dâaccompagner.
 3. Coopérer avec les parents (et pas contre eux)
"Il faut absolument quâelle revienne vite en classe" VS "On comprend que câest difficile, avançons ensemble."
âïžÂ Les familles ont besoin de soutien, pas de jugements. Un dialogue rĂ©gulier et non culpabilisant est essentiel.
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đ En rĂ©sumĂ© :
Sortir de la phobie scolaire, ce nâest pas juste "revenir Ă lâĂ©cole". Câest changer la dynamique relationnelle autour de la peur.
La phobie scolaire est souvent vĂ©cue comme une impasse, un mur invisible entre lâenfant et lâĂ©cole, entre les parents et les solutions. Pourtant, ce nâest pas une fatalitĂ©. Ce nâest pas "lâenfant qui a un problĂšme", mais un systĂšme qui sâest bloquĂ©, parfois malgrĂ© les meilleures intentions du monde.
Lâapproche de Palo Alto nous apprend que ce qui entretient un problĂšme peut aussi le dĂ©nouer, dĂšs lors quâon observe diffĂ©remment, quâon agit autrement, et surtout, quâon cesse de faire "plus de la mĂȘme chose".
En intervenant avec respect, crĂ©ativitĂ©, et stratĂ©gie, il est possible dâaider les enfants Ă retrouver confiance en leur capacitĂ© Ă affronter, Ă se rĂ©inscrire dans le monde scolaire â et les parents Ă respirer un peu Ă 7h du matin.
Changer la logique du problĂšme, câest souvent le dĂ©but de la solution.